Alors même que la réalisation du quatrième épisode de la franchise Harry Potter a été confiée à un nouveau réalisateur, le british Mike Newell (à qui l'on doit notamment le très bon Donnie Brasco et le culte Quatre mariages et un enterrement), la question s'est posée un temps sur l'éventuel retour de John Williams, compositeur des B.O. des trois épisodes précédents. Et pour cause, on ne peut que fantasmer ce qu'il en aurait résulté d'un point de vue musical tant le quatrième opus est sûrement le plus riche et le plus haletant de toute la saga.
Finalement, Mike Newell débarque avec son compositeur attitré, l’Écossais Patrick Doyle qui a, au passage, collaboré plusieurs fois avec l'acteur-réalisateur Kenneth Branagh, ce dernier ayant lui-même tenu un rôle secondaire dans Harry Potter et la Chambre des Secrets pour le personnage du prétentieux Gilderoy Lockhart. Décidément, le monde est petit et il faut avouer que le casting de la saga Harry Potter est particulièrement bien fourni en terme d'acteurs britanniques tous aussi bons les uns que les autres (Maggie Smith et Alan Rickman en tête).
Aussi, bien que le saga soit initialement british pur jus, c'est la première fois qu'un réalisateur et un compositeur ont tous deux cette nationalité après le passage d'un réalisateur mexicain, d'un Américain et d'un compositeur lui aussi originaire du pays de l'Oncle Sam. Et il faut avouer que cet épisode 4 sonne peut-être le plus anglais : sa musique, son ambiance cosy, les relations entre élèves dignes (enfin!) d'un vrai pensionnat (moqueries, boutades et bagarres), etc.
Cela n'enlève pas à l'ensemble son caractère de grand spectacle. Si la réalisation est relativement sage, elle demeure plus qu'honnête et les effets spéciaux sont de toute beauté (mention spéciale pour les décors, le dragon et la scène du lac). Niveau histoire, on pourra toujours regretter que l'adaptation soit faite un peu à la truelle (il faut dire que le roman est particulièrement foisonnant) mais le fil rouge de l'intrigue demeure conservé. Et quand bien même, les adaptations cinématographiques s'adressant prioritairement à ceux ayant lu les bouquins, ils ne seront pas perdus en terme de compréhension globale.
D'un point de vue musical, ce nous intéresse le plus ici, force est de constater que Patrick Doyle impose d'emblée son style. Plutôt que de faire du sous-Williams (comme Don Davis pour Jurassic Park 3), il compose une B.O. dans la thématique dominante de ce quatrième épisode à savoir un tournoi inter-écoles. La musique se veut donc volontairement plus cuivrée et glorieuse.
Le film et l'album s'ouvrent tous deux au son de 'The Story Continues', un surprenant morceau tour à tour puissant et guerrier puis trouble et mystérieux pour s'acheter sur une étonnante reprise du 'Hedwig's Theme', interprété de manière assez inédite (l'utilisation des cordes). Pas de doute : John Williams est parti.
En témoigne la quasi-absence du 'Hedwig's Theme' sur tout le CD à l'exception de deux apparitions furtives ('The Story Continues' et 'Foreign Visitors Arrive'). Le film en aura quant à lui droit à quatre (on regrettera la cruelle absence du célèbre thème au début de 'Hogwarts' Hymn' qui fait office de générique de fin). L'occasion de pousser un coup de gueule contre un album qui aurait pu être mieux élaboré. Non pas qu'il soit mauvais, loin de là, mais compte tenu de toute la musique entendue durant le film, il est évident qu'un seul CD n'était pas à lui-même suffisant. Le pire revient en fait à certains choix qui ont été faits comme la piste 'The Dark Mark', plutôt intéressante en soi mais totalement absente du métrage, les trois chansons du groupe rock aperçu pendant le Bal de Noël ou encore 'Hogwarts' March' qui est plus que dispensable.
En effet, la musique de Patrick Doyle est omniprésente durant tout le film, du début à la fin. Elle joue même un véritable rôle en ce qu'elle donne un indice fondamental pour aider à percer le mystère de l'intrigue. En gros, Monsieur Doyle a composé pour plus de deux heures de musique, et le CD contient à peine une heure de B.O. Il y a de quoi être grandement frustré quand on apprécie la musique de film.
Cependant, il ne faut pas bouder son plaisir. L'essentiel est bel et bien présent avec, surtout, la musique des trois tâches. 'Golden Egg' est un morceau de bravoure pure, tonitruant et haletant (pour la meilleure scène du film : l'affrontement sur les tours du château). 'The Black Lake' et 'The Maze' sont quant à elles des compositions plus subtiles mais demeurent d'une efficacité redoutable couplées avec les images.
Enfin, impossible de passer à côté du morceau 'Voldemort', une piste de presque dix minutes qui accompagne la scène finale du cimetière. Patrick Doyle, qui a développé durant tout le long de sa partition, et 'sous le manteau', son thème menaçant ('Frank Dies', 'Sirius Fire') le laisse ici éclater au grand jour. Le résultat ? Une musique d'une noirceur prononcée et pleine de malveillance, qui s'achève cependant sur une note d'espoir quand, lors du duel qui oppose le grand méchant au héros, ce dernier parvient à s'échapper.
La piste d'après change radicalement d'ambiance (merci au titre du morceau qui gâche un peu la surprise... spoiler comme on dit !). Après une confrontation plutôt musclée et éprouvante, c'est au deuil de s'instaurer. A cette occasion, Patrick Doyle revient à ses premiers amours : des violons larmoyants qui sont une de ses marques de fabrique, et qui ne sont pas sans rappeler les génériques d'ouverture des polars Carlito's Way (1993) et Donnie Brasco (1997).
Le CD se conclut de manière plus optimiste toutefois avec 'Another Year Ends' et le générique de fin, 'Hogwarts' Hymn' (bien sûr amputé sur l'album de la reprise du 'Hedwig's Theme' que l'on entend dans le film, ce qui est fort dommage...), une composition solennelle et chaleureuse.
Notons à ce titre que Patrick Doyle est de formation très classique. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter aux deux compositions que sont 'Neville's Waltz' et 'Potter Waltz', ou encore le sautillant 'Rita Skeeter' qui ont pour point commun d'apporter un peu d'humour et de bonne humeur sur un album assez dominé par les ténèbres et la mélancolie, voire par l'action guerrière comme celle notamment de la deuxième partie de 'Quidditch World Cup' où l'on retiendra surtout les chœurs virils et martiaux symbolisant l'école bulgare (la première partie est une gigue irlandaise festive accompagnant l'équipe de quidditch irlandaise).
Pour conclure, si John Williams n'est pas revenu pour ce quatrième épisode, Patrick Doyle parvient à assurer une relève musicale plus qu'honorable à défaut d'une véritable continuité. A l'exception de quelques morceaux très agréables, l'album est peut-être difficile d'accès en écoute isolée, la faute à des choix de conception discutables sur un CD qui reste très lacunaire.