Après le succès massif au box-office des deux films d'Indiana Jones, Raiders of the Lost Ark (Les Aventuriers de l'arche perdue) et Indiana Jones and the Temple of Doom (Indiana Jones et le temple maudit), plusieurs producteurs de films ont cherché à porter à l'écran ce type « d’aventurier » de leur cru. Cannon Films a acquis les droits du roman classique de H. Rider Haggard King Solomon's Mines (Les mines du roi Salomon) et de son personnage principal Allan Quatermain, et a mis en production une version légère et familiale du récit, avec J. Lee Thompson à la réalisation et Richard Chamberlain dans le rôle principal.
Le film se déroule au début des années 1900 et suit Quatermain, engagé par la belle Jesse Huston (Sharon Stone) pour retrouver son père, qui a disparu en Afrique centrale alors qu'il était à la recherche des légendaires mines du titre. L'expédition amène Quatermain à rencontrer de nombreux dangers et ennemis, notamment une expédition rivale menée par l'impitoyable colonel Bockner (Herbert Lom), qui ne reculera devant rien pour trouver lui-même les mines.
Bien qu'il ait fait des bénéfices au box-office, le film n'a malheureusement pas été un succès, ayant été sévèrement critiqué pour son ton trop humoristique, ses effets spéciaux scandaleusement pauvres, sa sous-intrigue romantique peu convaincante et sa représentation à la limite du racisme des membres des tribus africaines. Sans oublier, la scène où Chamberlain et Stone sont jetés par des cannibales dans une énorme marmite contenant des faux légumes surdimensionnés.
De manière assez surprenante, le score de Jerry Goldsmith a également été critiqué, et a été nominé pour un Razzie Award. Selon moi, il s'agit d'un cas où la musique a été affaiblie par la mauvaise qualité du film lui-même. En réalité, sa partition décrit une aventure agréable, avec un thème principal entraînant, contenant quelques idées orchestrales intéressantes et inhabituelles, qui s'appuient sur des œuvres antérieures comme The Swarm (L'Inévitable Catastrophe), Night Crossing (La Nuit de l’évasion) ou encore Supergirl, et qui précèdent des musiques plus tardives comme Lionheart (Cœur de lion), Leviathan, The Shadow, The Mummy (La Momie) et The Thirteenth Warrior (Le 13e Guerrier).
Goldsmith avait déjà travaillé avec le réalisateur Thompson à plusieurs reprises, notamment sur The Chairman (L'Homme le plus dangereux du monde) en 1969, sur The Reincarnation of Peter Proud (La Mort en rêve) en 1975 et sur Cabo Blanco en 1980. C'est donc tout naturellement qu'il a été choisi pour composer la musique de ce film. Interprétée par l'orchestre de l'opéra d'État hongrois, la partition s'articule entièrement autour de son thème principal, qui est dans la plus pure tradition. Décrit comme un thème aventureux et audacieux pour Quatermain lui-même, il s'agit essentiellement de la Marche des aventuriers, qui comprend une structure tonale ainsi que des choix instrumentaux similaires, entre autres des cuivres héroïques menant la charge, et une application dans la manière dont il souligne chaque moment de bravoure et d'audace. Elle figure en bonne place dans de nombreuses séquences, d'abord dans le ‘Main Title’ (CD1 #1, CD2 #1), mais elle est particulièrement bien interprétée par la suite dans ‘Have a Cigar’ (CD1 #5), ‘Dancing Shots’ (CD1 #8, CD2 #6), ‘Pain’ (CD1 #9) et dans l'émouvant final intitulé ‘No Diamonds’ (CD1 #21, CD2 #10). Il est également suffisamment malléable pour devenir un leitmotiv plus court, en prenant seulement les quatre premières notes du thème et en les manipulant en fonction des circonstances. Pour se faire une idée, il suffit d’écouter la séquence ‘Pot Luck’ (CD1 #13, CD2 #4) pour comprendre un parfait exemple de cette technique.
Goldsmith a également introduit un thème de romance, véritablement charmant (encore une fois avec des allusions subtiles à Raiders), cette fois sous la forme du thème de Marion, qui est introduit dans l'espiègle ‘Good Morning’ (CD1 #6, CD2 #7), et se développe pour devenir l'identité musicale principale de la relation entre Quatermain et Jessie. C'est un vaste morceau à l'ancienne pour cordes riches en vibrations et bois volages et effervescents, qui possède une qualité poignante et nostalgique inattendue, et qui reçoit d'autres déclarations dans des séquences comme ‘Forced Flight’ (CD1 #10, CD2 #5) et l'enjoué ‘Upside Down People’ (CD1 #14, CD2 #2), et qui vous fait presque croire que Richard Chamberlain et Sharon Stone auraient pu être un couple romantique...
Pour le thème du colonel Bockner, Goldsmith a choisi un extrait de la Chevauchée des Walkyries de Wagner (le colonel se promène avec un gramophone antique et fait sonner Die Walküre dès que l'occasion se présente), et il apparaît avec des résultats étrangement humoristiques dans des séquences comme ‘No Sale’ (CD1 #3).
Et puis, il y a musique d'action. Celle-ci est très abondante, riche et complexe, avec de nombreuses idées rythmiques, combinaisons instrumentales et textures à percussions, le tout accompagné de traits audacieux et fluorides de la part de l'ensemble de l'orchestre. Il s'agit véritablement de la quintessence de la musique d'action des années 1980 du compositeur, avec de nombreuses touches qui caractérisent son écriture durant cette période, depuis l'utilisation proéminente de tambourins et de xylophones déchaînés dans la section des percussions, jusqu'aux rythmes serrés de la caisse claire, aux trombones qui blatèrent, à l'écriture sinueuse des bois et à l'interaction merveilleusement charnue entre les différentes sections de l'orchestre, qui font rebondir les fragments thématiques les uns sur les autres. Des morceaux comme ‘Under the Train’ (CD1 #7), l'épique ‘Pre-Ritual / The Ritual, Part I / The Ritual, Part II (CD1 #17) de 6:16 minutes, et ‘Falling Rocks’ (CD1 #19) sont merveilleusement excitants.
Par ailleurs, des morceaux comme ‘The Chieftain’ CD1 #11) et ‘The Crocodiles’ (CD1 #15, CD2 #3) vibrent au son de percussions africaines profondes et menaçantes, bien que Goldsmith revisitera ce style avec beaucoup plus de succès dans des partitions telles que ‘Congo’ et ‘The Ghost and the Darkness’ (L'Ombre et la Proie).
La partition de King Solomon's Mines a été publiée à plusieurs reprises au fil des ans. D'abord sortie en LP et en cassette chez Restless Records au moment de la sortie du film, elle a été éditée pour la première fois en CD par Milan Records en 1987 sous la forme d'un double album, associé à The Delta Force d'Alan Silvestri, dont 34 minutes étaient consacrées à l'œuvre de Goldsmith. Une édition élargie de 60 minutes a été publiée par Intrada Records en 1991, et elle a été rééditée sous la forme d'une édition encore plus élargie de 70 minutes par Prometheus en 2006. Plus récemment, Quartet Records l'a publié sous la forme d'un ensemble de 2 CD d'une durée de plus d'une heure et 40 minutes, comprenant divers titres bonus et alternatifs.
Quelle que soit l’édition que vous préférez acheter, je ne saurais trop vous le recommander. King Solomon's Mines est l'exemple parfait d'une partition de Jerry Goldsmith qui s'amuse, avec des thèmes audacieux et mémorables qui méritent d'être mieux connus et plus largement respectés.
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