Harry Potter et le prince de sang-mêlé était sans conteste l'un des films les plus attendus de l'été 2009. Une attente d'autant plus longue que sa sortie initiale avait été prévue en novembre 2008, la Warner ayant justifié cette décision de repousser cette date par la volonté de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. En effet, le film The Dark Knight, sorti en salles durant l'été 2008, a été tellement ovationné, tant par le public que par la critique, qu'elle a préféré se garder Harry Potter 6 sous le coude en tant que futur grand succès annoncé de l'année 2009.
Pourtant, si le box-office n'a pas démenti la popularité du jeune sorcier à lunettes qui entamait là sa sixième année à l'école de sorcellerie Poudlard, cet épisode est loin d'être le plus apprécié. Le reproche principal est que le scénario se préoccupe plus des amourettes des héros que des intrigues autour du fameux Prince de Sang-Mêlé et de Voldemort. Rappelons au passage que le livre éponyme s'attardait longuement sur le passé de ce personnage et que le long-métrage n'en conserve que deux pauvres petites scènes, dont une figurant quasi-intégralement dans la bande-annonce !
La déception est donc assez importante pour le public, notamment avec l'impression persistante que Harry Potter 6 a voulu surfer sur la mode love story teenage instituée par Twilight (dont le premier épisode était sorti en janvier de la même année). Cependant, cela suffit-il à faire de Harry Potter et le prince de sang-mêlé un mauvais film ? Non, bien sûr que non. Harry Potter 6 fait sûrement partie de ces rares épisodes de la saga Harry Potter, avec le troisième (le prisonnier d'Azkaban) à bénéficier d'une identité filmique propre avec un soin particulier apporté aux décors, aux images et à la musique. Saluons d'ailleurs le splendide travail effectué par Bruno Delbonnel, le directeur de la photographie, un Français de surcroît ayant travaillé sur Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Jean-Pierre Jeunet et dont la patte visuelle confère à 'HP6' un charme discret mais indéniable pour peu que l'on y prête attention.
A la réalisation retrouve-t-on David Yates, ce dernier ayant vraisemblablement pris davantage d'assurance depuis l'épisode précédent tant sa mise en scène paraît plus inspirée qu'auparavant. Quant à la musique, une nouvelle (et dernière fois) avons-nous droit à la présence de Nicholas Hooper à la baguette. Lui aussi a pris de la graine, et ce n'est pas plus mal. Ses compositions pour Harry Potter 5 étaient un peu cheap et mollassonnes ? Soit ! La musique de Harry Potter 6 ne pouvait être que mieux. Et c'est le cas. Heureusement.
Le CD et le film s'ouvrent sur le traditionnel 'Opening' où se fait discrètement entendre un petit 'Hedwig's Theme' rapidement détrôné par une mélodie élégiaque rappelant que l'épisode précédent se terminait tragiquement et qu'il en ira de même pour celui-ci. Une introduction assez étonnante qui, avec les images, donne un rendu superbe. Malheureusement, dès 1:15, Nicholas Hooper retombe dans ses traditionnels travers. La deuxième partie du 'Opening', bien qu'efficace à l'écran (la caméra suit les méfaits des fidèles de Voldemort semant la panique à Londres), sonne assez pauvre en comparaison de la première qui participe réellement à l'ambiance générale voulue pour ce sixième épisode, dominé par la tristesse, la nostalgie et la mélancolie... et, bien sûr, les ténèbres, comme l'illustre la piste suivante de l'album, 'In Noctem'.
http://www.youtube.com/watch?v=Duq8L4upevo&list=RDLqmAELCSmus
Pour la seconde fois dans la saga Harry Potter, nous avons droit à une chorale. Mise à profit pour la première fois et avec brio par John Williams à l'occasion de l'épisode 3 (le fameux 'Double Trouble'), la chorale de Poudlard fait son grand retour ici, à grands renforts de paroles chuchotées pour moitié en Latin et qui n'inspirent pas foncièrement la joie de vivre (on a affaire à une sorte de berceuse à tendance macabre).
Notons que Nicholas Hooper adopte ici une approche thématique plus poussée qu'auparavant. Le 'Opening' introduit deux thèmes (celui de Dumbledore et celui des Mangemorts) que l'on entendra à plusieurs reprises dans le film et sur le CD ('Dumbledore's Farewell' et 'Into The Rushes'). Il en va de même avec 'In Noctem' ('Dumbledore's Speech' et 'Dumbledore's Foreboding').
Egalement, l'autre thème majeur du film, mais qui ne fait l'objet que d'une unique piste sur l'album, est celui de Slughorn : 'Slughorn's Confession'. Un doux et petit motif de flûte accompagne à merveille ce personnage, ce dernier apparaissant beaucoup plus sympathique dans le film que dans le livre, et que l'on devine rongé par la culpabilité (et accessoirement doublé en français par le génial Roger Carel, excusez du peu !). Hooper a très bien su retranscrire l'essence de ce protagoniste dans cette musique tour à tour touchante, tendre et teintée d'une certaine bonhomie.
Enfin, autre thème récurrent dans le film (mais qui ne fait là aussi l'objet que d'une seule piste sur l'album), celui de 'The Drink Of Despair' qui se fait entendre dans les moments où Harry est complètement désœuvré (dans les toilettes après le duel avec Malefoy et dans la caverne quand Dumbledore se tord de douleur). Une piste assez inquiétante et qui met mal à l'aise avec ses cordes plaintives et ses sonorités torturées. Peut-être les scènes les plus glauques de la saga.
Mais la musique d'Harry Potter 6 n'est pas que tristesse et mélancolie ! Par contre, il faudra clairement faire une croix sur l'action. A l'exception de deux petites pistes relatives au quidditch qui reprennent au passage le thème du 'Quidditch, Third Year' du prisonnier d'Azkaban ('Ron's Victory' et 'Of Love And War'), tant la B.O. que le long-métrage jouent sur les ambiances et les relations entre les personnages. Ce qui n'est pas plus mal en fin de compte quand on sait ce qui attend nos héros dans le diptyque Harry Potter 7.
Avant cela, Harry Potter 6 met l'accent sur les amourettes de Harry, Ron et Hermione, et ce ne sont pas les nombreuses pistes du CD s'y référant qui diront le contraire ! 'Ginny' introduit le Love Theme du film dans ses trente premières secondes avant d'embrayer sur une reprise extrêmement classique du 'Hedwig's Theme'. La piste phare dans le domaine reste bien sûr 'Harry and Hermione', suivie de très près par 'When Harry kissed Ginny' et sa guitare romantique. Au passage, poussons un gros coup de gueule concernant les titres des pistes des B.O. Harry Potter qui, depuis le quatrième épisode, racontent quasiment toute l'intrigue des livres et films ('X's death'). Merci pour ceux qui n'ont pas lu les pavés !
Autrement, comme à son habitude, Hooper livre de bonnes compositions comiques et légères (dans l'esprit du 'Professor Umbridge' de Harry Potter 5), que cela soit 'Living Death' pour l'amusante scène du cours de potions, 'Slug Party' et ses rythmes jazzies, la deuxième partie de 'The Book' où Harry est sous l'influence d'une potion qui n'est pas sans rappeler un état d'ébriété, le furtif 'School!' et enfin les endiablés et irish 'Wizard Wheezes' et 'The Weasley Stomp' qui, de manière surprenante et regrettable, ne sont pas utilisés dans le film (mais on devine qu'il s'agit de l'hymne du magasin de farces et attrapes des jumeaux Weasley qui, dans le film, est rythmé par la piste 'Fireworks' de Harry Potter and the Order of the Phoenix).
http://www.youtube.com/watch?v=LqmAELCSmus
En parlant d'irish, ne passons pas sous silence le solennel et réussi ode funèbre, 'Farewell Aragog' qui, couplé avec les images de toute beauté de Bruno Delbonnel, donne lieu à une jolie scène très carte postale (Slughorn prononce un discours tandis que Hagrid pleure et que Harry compatit à la douleur de son grand ami).
Enfin, on attaque la pièce de résistance avec sept pistes situées vers la fin de l'album, allant de 'Journey To The Cave' à 'The Friends' et qui accompagnent le final de ce sixième long-métrage. On déplorera en passant le fait que certaines musiques entendues dans le film ne figurent, une nouvelle fois, pas sur le CD (à quand des éditions plus complètes, bon sang ?!!), en particulier la fuite des Mangemorts guidés par le fameux Prince de Sang-Mêlé...
Nous avons déjà évoqué le poignant 'The Drink Of Despair' mais s'il y a bien une seule et unique piste qui résume toute la B.O. de Harry Potter 6, c'est sans conteste 'Dumbledore's Farewell'. Celle-ci fera d'ailleurs une petite apparition 'caméo' dans la musique du huitième et dernier film (mais pas dans l'album encore une fois !) lors d'un flashback relatif à Dumbledore.
Et pendant que nous en sommes aux incontournables de l'album, nous apprécierons aussi 'Malfoy's Mission' qui permet d'entremêler le thème des Mangemorts à un sombre petit motif de flûte et de piano associé à Drago Malefoy pour les scènes où il déambule dans le château tel une âme en peine chargée d'une inquiétante mission (d'où le titre).
Pour résumer, le bilan est plus que positif concernant la musique de Harry Potter and the Half-Blood Prince. Nicholas Hooper cède de temps en temps aux travers qui ont agacé dans la B.O. de l'opus précédent mais un réel effort a été fait ici. Bien qu'extrêmement critiqué en terme d'adaptation, ce sixième épisode n'en demeure pas moins un bon film, bien construit, bien réalisé, bien interprété, et sûrement l'un de ceux dont les identités visuelle et musicale sont les plus en symbiose, derrière Harry Potter and the prisoner of Azkaban.